L’allongement de l’espérance de vie et l’avancée en âge des baby-boomeurs conduisent, dans notre pays, à un vieillissement inédit de la population.

Certes, cette situation complique le financement de nos systèmes de santé et de retraite. Mais elle constitue aussi une opportunité majeure de croissance économique dans plusieurs secteurs : santé, alimentation, habitat, services à domicile, déplacements, habillement, loisirs, assurances, etc.

De nombreux marchés de biens et de services sont ainsi ouverts pour répondre aux demandes des seniors, qu’ils soient actifs, en perte d’autonomie ou dépendants. Cet ensemble d’activités est désigné par l’expression silver économie.

Pour une large part, la Silver économie se développe à partir d’innovations technologiques. Il s’agit des silver technologies.

La recherche est pluridisciplinaire : ingénierie, médecine, sociologie, économie, droit, design, marketing.

L’Université de technologie de Troyes (UTT) dispose d’une chaire industrielle et d’innovation territoriale (la chaire SilverTech), ainsi que d’un « laboratoire vivant » (le Living Lab ActivAgeing).

L’Aube est ainsi bien placée pour le transfert de technologies entre académiques et industriels et, par conséquent, pour que soient créées, dans le département, des activités relevant des silver technologies.

Michel Lapeyre

Le contexte et les enjeux du vieillissement de la population interpellent l’ensemble des décideurs et des acteurs de notre société : en France, les personnes âgées de 60 ans et plus, au nombre de 15 millions aujourd’hui, seront 20 millions en 2030. Le nombre de personnes âgées de 85 ans et plus sera multiplié par près de 4 en 40 ans passant de 1,4 à 4,8 millions d’ici à 2050.

Le contrat de filière « Silver économie », signé en décembre 2013, se veut un accélérateur d’innovations permettant de répondre à ces enjeux majeurs tout en y attachant un modèle économique pertinent.

Il s’efforce d’embrasser le périmètre, particulièrement vaste et hétérogène, de cette Silver économie, lequel s’étend des technologies les plus avancées de la domotique et de la robotique jusqu’aux aides techniques les plus simples (d’aide à la marche), en passant par toute la gamme des services de téléassistance ou bouquets de services, ainsi que l’habitat évolutif (cuisine revisitée, salle de bains équipée, etc.), la mobilité pour les âgés, le tourisme pour seniors…

La société doit donc en particulier s’adapter sur le plan technologique, en proposant des produits et des services qui permettent aux personnes âgées de vivre dans les meilleures conditions de bien-être, d’autonomie et de sécurité.

Le développement très rapide des technologies de l’information, le caractère intuitif de leur usage, leurs capacités de traitement et de communication, permettent d’imaginer des applications très simples sur le plan de la mise en œuvre par les personnes elles-mêmes ou par leur entourage immédiat, professionnel ou non.

De plus, l’apparition des jeux sérieux, ayant à la fois un aspect ludique, motivant, et une vraie valeur de formation, d’évaluation ou d’entraînement, est un atout supplémentaire pour la création d’outils non stigmatisants d’évaluation de la fragilité et de suivi des progrès liés à une prescription.

Enfin, les objets usuels du domicile sont de plus en plus communicants, du plus simple (la brosse à dents ou le pèse-personne), au plus complexe (la « Smart TV »), en passant bien évidemment entre autres par le Smartphone présent dans la plupart des foyers. Tous ces objets, au-delà de leur vocation première, ont la capacité à fournir de l’information relative à la personne dans son environnement habituel (perte de poids, activité physique, mobilité, usage de l’électroménager, etc.), ou à lui permettre de réagir à des situations de fragilisation (lien social grâce à la télévision connectée, reprise d’activité physique, meilleure nutrition…).

Pour la plupart, ces technologies n’ont cependant de sens que si elles sont intégrées dans des solutions plus globales impliquant généralement des acteurs multiples. De plus, elles peuvent montrer des performances techniques exceptionnelles mais être rejetées dans un cadre d’usage. Deux outils sont alors particulièrement bien adaptés pour mener une innovation au succès : la conception participative et l’évaluation multicritères par l’usage.

Jacques Duchêne

Biographie du conférencier

Jacques Duchêne est diplômé de l’École supérieure d’électricité et docteur ès sciences.

Il a d’abord été enseignant-chercheur à l’Université de technologie de Compiègne, où il a assuré la direction de la filière de formation en génie biomédical. Il a ensuite fait partie de l’équipe de création de l’Université de technologie de Troyes, sous la direction de Paul Gaillard.

Dans ce cadre, il a mis en place et assuré la direction d’un département d’enseignement en génie des systèmes d’information. Il a également mis en place et dirigé, d’une part, l’école doctorale de l’UTT et, d’autre part, l’Institut Charles Delaunay qui regroupe l’ensemble des activités de recherche de l’établissement.

Après avoir été orientées vers le traitement des signaux et l’analyse des données physiologiques, ses activités de recherche sont aujourd’hui essentiellement tournées vers les solutions d’accompagnement de l’autonomie des personnes âgées.

Entre autres fonctions, il a été chargé de mission au ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche (DGRI), en charge des technologies pour la santé et l’autonomie, puis conseiller scientifique à l’Institut « Technologies pour la santé ».

Co-fondateur en 2008, avec le docteur Philippe Dejardin, de l’association MADoPA (Centre expert pour le Maintien en Autonomie à Domicile des Personnes Âgées, aujourd’hui Centre Expert National de France Silver Eco), il a été à l’initiative de la création à l’UTT du Living Lab ActivAgeing en 2013, puis tout récemment de la chaire SilverTech, dont il est actuellement le titulaire.