Dans les pays occidentaux, la désindustrialisation et la perte de pouvoir d’achat des classes moyennes incitent à une remise en cause la mondialisation. Faut-il aller vers une fermeture des frontières ? Ou bien vers un nouveau modèle d’échanges au niveau mondial ?

La mondialisation de l’économie peut être définie comme étant le développement, à l’échelle de la terre entière, des échanges de biens, de services et de capitaux.

D’autres mondialisations ont eu lieu, comme celle du XVème siècle, avec les explorations maritimes espagnoles et portugaises, et celle du XIXème siècle, avec la navigation à vapeur et le télégraphe électrique.

La mondialisation actuelle a été précédée d’une libéralisation dans les pays occidentaux, ce qui a amplifié les échanges entre eux. A partir du début des années 1990, ces échanges se sont étendus au monde entier. Cette extension a été facilitée par le progrès technique (Internet et les conteneurs).

Avantages

La mondialisation a des effets positifs. Elle stimule l’activité économique. Dans les pays comme la France, elle permet aux entreprises de disposer d’un marché de dimension mondiale et, par conséquent, de se développer. Elle profite également aux consommateurs, puisqu’elle accroît la concurrence, ce qui fait baisser les prix. Et, surtout, elle a fait sortir de la pauvreté, en une génération, un milliard d’êtres humains.

De plus, les échanges d’idées entre citoyens se multiplient, ce qui va dans le sens de l’enrichissement des cultures nationales, de la diffusion des savoirs, ainsi que du progrès des sciences et des techniques. Ces échanges font en outre émerger une forme de conscience citoyenne mondiale, par exemple pour la protection de l’environnement et la lutte contre le réchauffement climatique.

Inconvénients

La mondialisation a cependant des effets négatifs. De manière générale, elle change les rapports de force dans le monde, ce qui est, dans certains cas, défavorable aux pays occidentaux.

Le point le plus sensible pour l’opinion publique est sans conteste l’emploi. A l’instar du progrès technique, la mondialisation crée des emplois et en détruit d’autres. En effet, depuis une vingtaine d’années, de nombreuses industries découpent leurs processus de production en segments, afin que chacun soit produit au moindre coût. La fabrication est ainsi répartie entre différents lieux dans le monde en fonction des coûts de main d’œuvre, d’énergie et de transport. Cette segmentation de la valeur conduit ainsi à des délocalisations[1].

Ces délocalisations sont vécues comme des injustices quand elles se traduisent par des licenciements de personnel dans des usines rentables, fabricant des produits de qualité et quand elles sont dictées uniquement par des stratégies financières de court terme.

Ces derniers temps, on observe toutefois quelques (rares) relocalisations. Ce mouvement est dû à l’augmentation des coûts dans des pays émergents, ainsi qu’à la volonté des entreprises concernées de mieux servir les consommateurs (montée en gamme, meilleure diversification des produits, raccourcissement des délais).

La mondialisation porte aussi sur les services. Un exemple très visible est celui des GAFA[2]. Ces groupes bénéficient d’un monopole de fait car, une fois leurs investissements réalisés, le coût d’un client supplémentaire est nul. Ajoutons que les GAFA détiennent des données en nombre considérable sur des citoyens et des consommateurs situés presque partout dans le monde. Comment ce pouvoir peut-il être régulé ?

La mondialisation concerne enfin les services financiers. Avec la disparition du contrôle des capitaux dans de nombreux pays et avec des politiques monétaires expansionnistes, le volume des flux financiers entre pays progresse (avec la rapidité que permet le numérique), ce qui présente quelques dangers. Par exemple celui que les économies de pays en développement soient gravement déstabilisées. Et aussi que, dans des domaines stratégiques, trop d’entreprises passent sous le contrôle de fonds d’investissement étrangers, ce qui pose un problème de souveraineté.

La mondialisation en question

En définitive, désindustrialisation, ultra-financiarisation et perte de souveraineté portent une partie de l’opinion publique, dans plusieurs pays occidentaux, à rejeter la mondialisation ou, au moins, à la remettre en cause dans son fonctionnement actuel. Cette situation pourrait évoluer (dans un sens difficile à imaginer pour l’instant) avec le bouleversement économique qu’entrainera la nouvelle vague d’avancées technologiques : robotique, intelligence artificielle, biotechnologies, fabrication par impression en trois dimensions.

La question est de savoir comment les États, directement ou par l’intermédiaire d’organismes supranationaux, pourront réguler la mondialisation dans un sens favorable à la fois au développement économique, à l’équité sociale et à l’environnement.

Michel Lapeyre


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Sylvie Matelly,

directrice adjointe de l’IRIS

Après un Master en économie internationale (options marchés financiers et marchés des matières premières), elle a rédigé une thèse sur les déterminants économiques des dépenses militaires. Elle obtient son doctorat en 2000 à l’Université Pierre Mendès France de Grenoble. Elle a également étudié à Barcelone et Montpellier.

Sylvie Matelly a rejoint l’Institut de relations internationales et stratégiques (IRIS) en 2001 en tant que chercheur spécialiste de l’économie de la défense, puis directrice de recherche (2008). Elle y mène des études et des recherches sur les questions d’industries et de politiques de défense, contrôle des exportations et corruption, tant pour les institutions françaises et européennes que pour les entreprises.

Elle est également membre du Comité de rédaction de La Revue internationale et stratégique.

En 2003, elle crée la formation niveau Master 2 « Économie et relations internationales » qui deviendra en 2007 « Géoéconomie et intelligence stratégique » grâce à un partenariat avec Geos puis aujourd’hui avec l’ADIT. Elle en est encore aujourd‘hui responsable pédagogique.

En 2001/2002, elle a collaboré avec le Groupe Transition et Développement de Grenoble et l’Institute For the Economy in Transition (Moscou) pour la création d’une agence de développement à Kaliningrad dans le cadre d’un projet européen TACIS.

Elle est aussi professeur associée à l’École de Management Léonard de Vinci à la Défense depuis 2009. Elle y a dirigé le département Finance, Économie, Droit et Relations Internationales.

  1. La délocalisation de segments de la valeur ajoutée a aussi pour effet, lorsqu’elle augmente le chiffre d’affaires de l’entreprise, de créer des emplois dans d’autres segments, non délocalisés : conception, marketing, vente, logistique, etc.

  2. L’acronyme GAFA désigne les géants américains d’Internet : Google, Apple, Facebook, Amazon. Aujourd’hui, il faudrait y ajouter des entreprises chinoises : Baidu, Alibaba, Tencent et Xiaomi.